Navettes d’If et du Frioul : CONNEX candidat au SERVICE PUBLIC. Cette fois, les armateurs côtiers marseillais ont pour rival un poids lourd mondial qui peut avoir des vues sur le tram et plus, car affinités

Tout arrive ! Même que les navettes entre le Vieux port et les îles d’If et du Frioul fassent l’objet d’une délégation de service public (DSP) en bonne et due forme. Et même que l’autorité organisatrice des transports, la communauté urbaine Marseille Provence Métropole (MPM), ait le choix entre plusieurs candidats pour négocier au mieux de l’intérêt général. Voici que deux prestataires sont candidats. Déjà à quai, le Groupement des armateurs côtiers de Marseille (GACM) assure les navettes - et défraie la chronique, jusqu’à Cannes... - depuis 30 ans. C’est en 1975 que le commandant Helbert regroupe les transporteurs qui se disputent les clients en un Groupement des armateurs et leur fixe des conditions d’exploitation. Dix ans plus tard, une convention liera la Ville au GACM. Lequel a toujours su décourager les velléités de concurrence pour régner sans partage sur la ligne où l’aller-retour pour le Frioul coûte 10 euros. Sur l’album des fortunes de mer marseillaises, figurent en bonne place les mésaventures du cariste Bonnot quand il prétendit assurer une liaison avec ce Frioul où la Ville et des promoteurs ambitionnaient de créer Marseille-Ouest. Deux vedettes furent amarrées devant la mairie, poste dont elles disparurent après de bien malencontreuses... explosions !

PRUDENCE Une autre tentative aura lieu en 86-87. Puisque monopole il n’y a pas et qu’ils souhaitent mieux desservir leurs affaires au Frioul, trois commerçants sollicitent des postes d’amarrage pour deux vedettes. Qu’ils n’obtiendront jamais, la campagne des municipales de 89 incitant à la prudence... La convention avec le GACM a expiré. La création de la communauté urbaine ayant changé la donne en 2001, appel d’offres fut lancé. Et déclaré infructueux, puisque, désistement après désistement, il n’était plus resté qu’un candidat. Le GACM..

Un temps, il fut question de mettre la RTM dans le coup. MPM songea même à acheter des bateaux... Retour à la procédure de délégation de service public. Le port du Frioul étant promis à une extension de ses capacités d’accueil et divers aménagements étant à l’ordre du jour sur l’île, la question de sa desserte est cruciale

Et voici donc qu’apparaît un rival du GACM. Rien moins que le "premier opérateur privé de transport public de voyageurs en Europe" : CONNEX, la marque de Veolia Environnement (ex Vivendi) qui accueille bon an mal an 1,5 milliard de voyageurs ! OBJECTIF TRAM ? Que vient chercher ce colosse qui dessert 5 000 collectivités locales dans le Vieux-Port ? Sur le lac Léman ou entre la Manche et les îles anglo-normandes, CONNEX exploite déjà des bateaux. Mieux, il assure 3 lignes maritimes entre Toulon et La Seyne, Les Sablettes et St-Mandrier. Ce qui lui permet de mettre en avant son aptitude à organiser un service de navettes à Marseille. Même si la direction régionale de CONNEX, à Nice, se refuse à tout commentaire sur les motivations de sa candidature (de bonne source, on tient que ses taille et expérience en font un "client" qui ne se laissera pas décourager), il faut voir au-delà du Frioul et d’If. CONNEX affirme en effet pouvoir "rationaliser et optimiser la desserte de régions entières et y maîtriser l’ensemble des déplacements" . Alors qu’on parle à la commission Transports de MPM d’appliquer au futur tramway une procédure de DSP, CONNEX pourrait lever le doigt. Il exploite déjà une dizaine de réseaux ferrés (dont le tram de Bordeaux) et ajoutera le futur tram de Toulon à son réseau Mistral. DSP OU RT M CONNEX, c’est aussi Aix en bus, les Autobus aubagnais, les Bus de l’Étang ; sans parler de la Ligne d’Azur, à Nice, et des Rapides de la Côte d’Azur. La constitution d’un réseau intégré à l’échelle de MPM et au-delà est donc tout à fait dans ses cordes, sinon dans ses vues. À MPM, le président Gaudin répète que la communauté urbaine appliquera au tram les règles en vigueur. Sur le territoire communautaire européen, elles permettent, mais n’imposent pas, de faire jouer la concurrence. Un ou plusieurs privés pourraient donc disputer le tram à la RTM. Les libéraux en sont partisans sans le crier sur les toits. À gauche, tel le socialiste François-Noël Bernardi, on parie que "Gaudin ne franchira pas le pas avant les municipales, et c’est la RTM qui exploitera le tram" .

Qui tient le pari ?

JEAN-MICHEL GARDANNE