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DEJA
SUR MARS
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N°
002 - AVRIL 2005



A
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PLUS
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Qu’est-ce
que cela fait d’être enfin arrivée là, loin de chez soi, dans
cet État de l’Inde du sud, le Karnataka précisément, où l’on
rêvait de partir ? J’avais, de toute façon, comme tout le monde
sans doute, bien assimilé les différences entre Occident et
Orient, mais… une fois là bas, l’esprit ne peut plus se charger
d’élucubrations inutiles.
QUAND
ON RETOURNE
chez soi, toutes les images, inmanquablement, reviennent.
Noire, la vache à bosses qui monte les marches du petit
« Shiva hostel » pour prendre, comme nous, son petit déjeuner.
« Et deux plain baji, deux ! » Le patron s’amène avecdeux
pâtés de farine de riz et, bien à plat dans sa main, les
mets sous les naseaux de la belle puis, en souriant, tapote
l’animal qui se régale, et s’adresse à nous : « C’est toujours
la même qui vient chez moi, chaque matin, et à la même heure.
Elle m’a choisi, comme les autres vaches ont choisi leur
restaurant ou leur maison. Dans tout le village, c’est comme
ça. Bien sûr, parfois, une nouvelle vient quémander, et
je lui donne si je peux : ça leur fait au moins ça de sain
dans l’estomac ! » Et c’est vrai : ces symboles sacrés se
« sustantent » la plupart du temps des déchets domestiques
: elles avalent un journal qui a peut-être empaqueté auparavant
de délicieux gâteaux. Elle ne dédaignent pas non plus les
cartons, qu’elles découpent et broutent un peu partout.
Ce ne sont pas les poubelles qui manquent dans les rues
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Méditation
: Gokarna , rue principale. A la tombée de la nuit
, face à l’autel d’une des nombreuses divinités
hindoues, une grande vache semble en garder les
abords avant que les .dèles ne viennent emporter
la statuette pour une procession.
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Les habitants n’y peuvent pas grand-chose, car même si
les déchets sont enfermés dans des sacs plastiques et
placés aux carrefours des rues dans de grands bidons,
ceux-ci sont .systématiquement vidés et les poubelles
éparpillées par nos amies les bêtes - chiens, chats et
souvent aussi des singes.

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On
peut donc compter sur les « beuglantes » pour faire un
peu le ménage, vu qu’elles goûtent même parfois au plastique,
quitte d’ailleurs à en être malade ! Parfois elles mastiquent
des feuilles de bananier ou des restes de repas que l’on
a placés bien en évidence pour elles, mais bien souvent
elles se nourrissent seules, jouant ainsi le rôle d’éboueurs
des quartiers ! On les aime aussi pour leur bouse - mélange
de papiers et de végétaux -, qui fait un excellent enduit
toujours employé dans les travaux du bâtiment (où travaille
une majorité de femmes quand les hommes sont très présents
dans les services d’hôtellerie ou de restauration). Pour
les sols, la bouse est mélangée à l’eau. Avec le produit
ainsi obtenu, on asperge les seuils des maisons où elle
se .xe et évite les poussières. Ces imposantes bêtes au
pas nonchalant, la voix caverneuse, s’étendent au milieu
des routes, souvent parce que la circulation des voitures
chasse ef.cacement les mouches qui s’agglutinent sur elles
aux heures chaudes. Mais il ne faut pas rêver : la vie
de vache n’est pas toujours dorée : certes, elles sont
libres d’aller et venir, ne semblent appartenir à personne,
et sont sûres de n’être jamais malmenées, car on punit
durement quelqu’un qui blesserait une vache, mais elles
n’ont pas assez de pâturages !
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Au
petit matin, cafés, galettes, beignets et le fameux bajî
à base de farine de riz, qu’accompagne l’incontournable
thé indien..
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Le
soir tombe sur « Main beach » à Gokarna. Homme, vache
et oiseau dans un même moment de plénitude.
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On
m’a raconté que seuls les musulmans ou les « intouchables
» ont le droit de toucher les cadavres de vaches. Un jour,
quelqu’un prévint le village voisin qu’une vache morte
gisait sur la route. Deux musulmans se déplacèrent pour
tirer le cadavre. Des jeunes hindouistes, venant à passer
et assistant au transport de l’animal, étaient persuadés
que les deux hommes avaient tué l’animal sacré et qu’ils
envisageaint sans doute de le manger. Ils les rouèrent
de coups, à mort ! Si
elle déchaîne les passions, la vache, quand elle est laitière,
est bien gardée, surtout dans les petits villages des
campagnes, car son précieux lait sert de base à nombre
de préparations culinaires : le lait et le yaourt sont
présents dans tous les repas..
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Vache sacrée, sacrée vache… On la croise aussi bien sur
les pistes, où l’on tâche de la contourner pour ne pas
la déranger, que sur les plages, méditant de longues minutes
face à l’océan. Quelques jours seulement après mon retour
en France, le tsunami frappait… Des gens que j’ai connus,
vivant de la mer, de Madras à Goa, ont certainement vécu
la catastrophe. Qui, parmi eux, ont survécu aux vagues
géantes ? Je sais que l’irréparable bien eu lieu. Je sais
surtout, avec beaucoup d’admiration, le courage et la
dignité des rescapés qui, en ce moment même, reconstruisent…
DP
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Textes
& Photos DAPHNE PIQUET
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